Harcèlement moral
Le harcèlement moral : qu'est-ce que c'est ?
Le harcèlement moral se manifeste par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits de la personne du salarié au travail et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
La définition du harcèlement moral est donnée par le Code du travail. Ce dernier pose 3 critères permettant de caractériser le harcèlement (Article L1152-1 du Code du travail) :
D'abord il faut être en présence d’agissements répétés. Ce critère de répétition a été repris par la Cour de cassation dans divers arrêts, par exemple la Cour de Cassation dans un arrêt du 10 novembre 2009 affirme que « que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ».
Ensuite, il faut que ces agissements entraînent une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale.
Ou alors il faut que ces agissements aient pour objet de compromettre son avenir professionnel.
Voici quelques exemples de comportements et d'agissements répétés de harcèlement moral :
Insultes régulières et répétées
Communications ou messages téléphoniques intempestifs
Réflexions déplacées vis à vis d'un genre
Menaces de licenciement
Retrait de mission ...
✏️ À noter
Le harcèlement moral peut être également caractérisé en cas de brève période, comme l'illustre l'arrêt du 26 mai 2010 rendu par la haute juridiction. Cette décision des juges est finalement conforme à une application stricte de l’article qui n’exige aucune condition de durée minimale pour caractériser le harcèlement moral.
Le harcèlement moral et le harcèlement sexuel sont deux chefs de demandes différents.
Qui peut être victime de harcèlement moral au travail ?
Il convient de constater que le Code du travail n’apporte pas de précision sur celui qui peut occuper le rôle de « harceleur ». En conséquence, diverses catégories de personnes sont ainsi susceptibles d’être concernées.
La catégorie de harcèlement le plus fourni et qui nourrit le plus de contentieux est le "harcèlement moral vertical descendant". En effet dans ce cas de figure :
Le "harceleur" peut être l’employeur lui-même ou son représentant (par exemple chef d’entreprise lorsque l’employeur est une personne morale).
Le "harceleur" peut aussi être un salarié, supérieur hiérarchique de la victime
Toutefois on reconnaît également l’existence du "harcèlement moral vertical ascendant". Ce cas a été illustré par la chambre sociale le 6 décembre 2011 : "le fait que la personne poursuivie soit le subordonné de la victime est indifférent à la caractérisation de l’infraction". C'est un cas qui est plus rare dans la mesure où le harcèlement moral est commis par un salarié à l’encontre de son supérieur hiérarchique.
On peut aussi parler de "harcèlement moral horizontal" : situation dans laquelle l’auteur du harcèlement est un simple collègue de la victime sans qu’existe entre eux le moindre rapport hiérarchique (Chambre criminelle du 28 mai 2013).
Au croisement de ces catégories, il existe aussi le "harcèlement moral mixte". Dans ce cadre, le salarié est victime d’actes de harcèlement émanant tant d’un ou plusieurs collègues de travail que d’un supérieur hiérarchique qui a participé ou du moins toléré les actes hostiles dont le salarié a été l’objet (Chambre sociale du 15 mars 2006).
Autre cas de harcèlement moral au travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié : le harcèlement moral exercé par un tiers. Dans ce cas, le rôle du "harceleur" est tenu par une personne étrangère à l’entreprise.
Qu'est-ce que le harcèlement moral managérial ?
Il existe deux types de harcèlement moral au travail susceptibles de porter atteinte à la santé physique ou mentale ou de compromettre l'avenir professionnel du salarié : le harcèlement moral managérial et le harcèlement moral institutionnel.
La notion de harcèlement moral managérial a été utilisée pour la première fois dans un arrêt de la chambre sociale le 10 novembre 2009.
Dans le cadre de l'exécution de son pouvoir de direction, l’employeur est amené à utiliser certaines techniques de management. Mais, il est possible qu'un mode de management autoritaire constitue une forme de harcèlement moral au travail s'il dépasse la limite de l'exécution du pouvoir de direction.
Il faut que la méthode de gestion incriminée se manifeste pour un salarié déterminé, par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles :
de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ;
d'altérer sa santé physique ou mentale ;
ou de compromettre son avenir professionnel.
Qu'est-ce que le harcèlement moral institutionnel ?
La notion de harcèlement moral institutionnel a été reconnue et définie dans l’affaire France Télécom du 20 décembre 2019 (Tribunal de grande instance de Paris, 31ème Chambre Correctionnelle, 20 décembre 2019). Ainsi la caractérisation d’un harcèlement moral dit institutionnel exige, selon le tribunal, de démontrer que les agissements :
procèdent d’une politique d’entreprise ayant pour but de structurer le travail de tout ou partie de la collectivité d’agents et la mettent en œuvre ;
sont porteurs par leur répétition, de façon latente ou concrète, d’une dégradation (potentielle ou effective) des conditions de travail de cette collectivité ;
outrepassent les limites du pouvoir de direction
Désormais, une politique d’entreprise peut être harcelante aux yeux de la loi sans viser une personne déterminée, mais bien un collectif de travail.
Quels sont les mécanismes de prévention contre le harcèlement moral ?
Désormais, le harcèlement moral est rattaché à l’obligation de sécurité de l’employeur. Ce sont les arrêts « amiante » du 28 février 2002 qui viennent poser la règle selon laquelle « l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité de résultat ». L’objectif étant d’assurer une meilleure réparation des accidents du travail en droit de la sécurité sociale.
S’agissant du harcèlement moral, l’article L1152‐4 du Code du travail dispose que l’employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir le harcèlement.
Sur ces fondements législatifs, la chambre sociale a, dans un premier temps, considéré que l’employeur était tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral au travail (Chambre sociale 3 février 2010). Cette obligation est de résultat au sens où le juge ne peut qu’être conduit à condamner l’employeur à réparation lorsque le dommage a été causé, en l’occurrence que le salarié a subi des faits de harcèlement moral au travail.
Puis finalement, la jurisprudence a abandonné sa position au profit de la mention d’une simple "obligation de sécurité ", voire même d’une "obligation de prévention des risques professionnels" (Chambre sociale 1er juin 2016)
En conclusion, l’obligation patronale de prévention a une double dimension.
Premièrement, il y a les mesures que l’employeur prend pour éviter que des agissements de harcèlement ne soient commis dans l’entreprise.
Deuxièmement, il y a les mesures qu’il met en place pour faire cesser les situations harcelantes.
✏️ À noter
Dans l'obligation de résultat, le débiteur s'est engagé à obtenir un résultat déterminé, ce qui signifie que seul un événement présentant les caractères de la force majeure peut le libérer de son obligation.
Lorsque l'obligation est de moyen, le créancier de l'obligation doit établir que le débiteur de l'obligation n'a pas mis en œuvre les moyens nécessaires pour obtenir le résultat : il doit donc apporter la preuve d’une faute de son débiteur.
Comment prouver le harcèlement moral au travail ?
En matière de harcèlement moral, en vue d’une protection effective du salarié, le principe selon lequel il appartient au demandeur de rapporter la preuve du droit qu’il revendique a été abandonné.
Ainsi, il n’est en aucun cas demandé au salarié qui se prétend victime de harcèlement moral de fournir la preuve dudit harcèlement.
Le code du travail n’exige pas du salarié qu'il rapporte la preuve du harcèlement moral. En effet, l'article exige simplement de rapporter la preuve de faits qui laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral à l’encontre du salarié. Par exemple :
sms
certificat de travail
témoignages et attestations sur l’honneur
email ...
À l'inverse, l'employeur devra rapporter la preuve que ces faits ne constituent en rien des agissements de harcèlement moral au travail envers le salarié et qu'ils n'ont ni pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits.
✏️ À noter
L’article L1152-2 du Code du travail, dispose qu’un salarié ne peut être sanctionné pour avoir témoigné d’agissements de harcèlement moral ou les avoir relatés.
Quels sont les recours possibles pour la victime de harcèlement moral ?
Les recours précontentieux
En cas de harcèlement moral, le salarié peut prévenir les représentants du personnel qui pourront l'aider dans les démarches. Il est également possible de prévenir le comité économique et social (CSE), s'il existe, dans la mesure où il dispose d'un droit d'alerte pour prévenir l'employeur de tout cas de harcèlement moral.
De même, il est également possible signaler des agissements répétés de harcèlement à l'inspection du travail. Cette dernière va alors vérifier si les faits signalés constituent des faits de harcèlement moral. Si cela semble être le cas, l'agent pourra être amené à réaliser une enquête sur site. Après enquête, si l'inspecteur du travail constate une infraction, il informe le procureur de la République.
Avant tout contentieux, la victime de harcèlement peut engager une procédure de médiation. La médiation n’est pas obligatoire. Le médiateur est choisi d’un commun accord entre les parties (Article L1152-6 du Code du travail). Il peut s’agir d’une personne appartenant à l’entreprise. Cette procédure de médiation fait partie des outils de gestion des conflits et de gestion des risques psychosociaux.
Les recours devant le Conseil de prud'hommes
Le salarié peut aussi saisir directement le bureau de jugement sans avoir au préalable, à formuler une demande auprès du bureau de conciliation. En effet, le Conseil de prud'hommes est la juridiction à laquelle doit être soumis le contentieux du harcèlement moral subi par un salarié dans le cadre de sa relation de travail. Sous certaines conditions, une personne victime de harcèlement au travail peut saisir directement le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, qui statue en urgence. Lorsque le Conseil des prud’hommes est saisi, la procédure sera dirigée à l’encontre de l’employeur qu’il soit ou non à l’origine du harcèlement moral au travail. Ce dernier sera jugé pour ne pas avoir protégé la victime de faits de harcèlement contre l'harceleur.
De plus, en application du Code du travail, le licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié pour avoir subi ou refusé de subir un harcèlement moral est nul (Articles L1152-2 et L1152-3 du Code du travail). La victime peut cumuler les indemnités au titre du préjudice dû au titre du harcèlement moral et du préjudice résultant de la perte d’emploi injustifiée (Chambre sociale du 17 octobre 2018).
Le harcèlement moral peut aussi conduire le salarié, victime de propos ou comportements ayant pour effet une dégradation de ses conditions de travail, à faire une prise d’acte de son contrat de travail.
Les recours devant les juridictions pénales
Enfin, la victime de faits constitutifs de harcèlement moral peut aussi poursuivre au pénal l'auteur direct du harcèlement, sans oublier de se porter partie civile pour obtenir des dommages et intérêts (articles 222-33-2 à 222-33-2-2 du code pénal). Cette action peut venir en complément d'une action aux prud'hommes contre l’employeur. La justice prendra alors en compte tous les faits de harcèlement venant du même auteur, et ce même si le harcèlement dure depuis plusieurs années.
Il est donc possible de poursuivre l'employeur (personne morale) aux prud'hommes pour manquement à son obligation de sécurité, et l'auteur du harcèlement (personne physique auteur du harcèlement moral : collègue, responsable hiérarchique, représentant syndical, client, fournisseur ...) au pénal. Il doit exister des faits de harcèlement moral et un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur.
✏️ À noter
Le délai de prescription pour saisir le conseil des prud'hommes est de 5 ans.
Le délai de prescription pour saisir la juridiction pénale est de 6 ans à partir du fait le plus récent de harcèlement (derniers propos tenus, dernier mail...)
Quelles sanctions sont encourues par l’auteur de harcèlement moral ?
L’auteur du harcèlement peut être condamné au paiement d’importants dommages et intérêts.
Le harcèlement moral est également un délit, puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende (article 222-33-2 du Code pénal).
L'employeur, personne morale, peut également être pénalement responsable (article 121-2 du Code pénal).
Enfin, si l’auteur des agissements est un salarié, il encourt en plus une sanction disciplinaire, qui peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave (articles L1152-5 et L1153-6 du Code du travail).
Quel est l'état de la jurisprudence sur le harcèlement moral ?
Le contentieux sur le harcèlement moral est abondant, vous trouverez un grand nombre de décisions relatives à ce chef de demande, rendues par la Cour de cassation ou les juridictions de première instance, sur Predictice.
Ainsi, le 23 février 2023, la Cour d'appel de Bordeaux a rendu une décision dans une affaire de licenciement pour harcèlement moral. La cour a confirmé la décision de première instance selon laquelle le licenciement du salarié était justifié, le harcèlement moral n'ayant pas été caractérisé.
En bas de cette page, vous pouvez faire jouer les différents paramètres (juridiction, ancienneté, année...) afin de mesurer les variations des décisions rendues en la matière sur le territoire français et préparer au mieux votre assignation ou votre négociation.
Données clés
Indemnité moyenne accordée
L'indemnité moyenne accordée pour cette demande est de 2 fois le salaire mensuel brut
Durée moyenne de la procédure
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