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Prescription acquisitive

Qu'est-ce que la prescription acquisitive ?

La prescription acquisitive (juridiquement nommée usucapion) est un mode d'acquisition d'un droit (droit de propriété, droit réel) du fait de l'écoulement du temps. Elle se distingue de la prescription extinctive qui entraîne à l'inverse l'extinction d'un droit au bout d'un certain laps de temps.

Les conditions et effets de la prescription acquisitive sont régis par les articles 2258 à 2277 du code civil.

Le mécanisme de la prescription acquisitive permet à celui qui possède un bien mobilier ou immobilier, ou qui exerce un droit réel (usufruit, servitude), de devenir propriétaire de ce bien ou titulaire de ce droit au bout d'un certain temps, et à condition que cette possession ou utilisation remplisse un certain nombre de critères. Ainsi, celui qui use d'un bien ou d'un droit peut se prévaloir de la propriété sur ce bien ou de la titularité sur le droit si le propriétaire avéré ne l'a jamais revendiquée dans un certain délai, et sans que celui qui l'allègue n'ait besoin d'en rapporter un titre.

Quels biens et droits peuvent être acquis par prescription ?

  • Les biens immobiliers tels les terrains, maisons, garages, appartements, locaux, à l'exclusion de certains (navires, aéronefs, fonds de commerce, biens hors commerce...) ;

  • Les biens meubles corporels individualisés : sont notamment exclus les meubles soumis à publicité, ceux qui relèvent du domaine public, les meubles gagés, les meubles incorporels ;

  • Les droits réels tels un usufruit ou une servitude.

Quelles sont les conditions pour acquérir un droit de propriété par l'effet de la prescription acquisitive?

Pour que celui qui utilise un bien ou un droit devienne propriétaire, il faut

  • Une possession qualifiée (art. 2261 du C.civil)

  • Pendant un certain laps de temps

    1. Les qualités de la possession permettant d'acquérir un droit

    Conformément à l'article 2261 du Code civil, pour pouvoir prescrire, la possession doit être :

    • Continue et non interrompue, c'est-à-dire qu'une maîtrise matérielle régulière du bien ou une utilisation régulière du droit doit être caractérisée : la continuité est présumée (art. 2264 C.civil) et seule une interruption anormale vicie la possession ;

    • Paisible, c'est-à-dire que l'appréhension du droit ne peut s'être faite par violence (article 2263 code civil) ;

    • Publique : la possession doit être visible, connue, et non clandestine ;

    • Non équivoque, c'est-à-dire que la volonté de se comporter comme le propriétaire du bien doit être évidente, et que les tiers doivent considérer le possesseur comme le véritable propriétaire du bien ;

    • à titre de propriétaire : sont exclus les actes de tolérance ou la détention précaire (art. 2262 C.civ.) ; de même, ceux qui détiennent pour autrui (locataire, dépositaire, usufruitier) sont écartés (art. 2266 C.civ.).A noter : le possesseur précaire peut cesser de l'être par le biais de l'interversion de titre, prévue à l'article 2268 du Code civil.

    Ainsi, celui qui revendique le droit de propriété doit apporter la preuve des caractères de cette possession, par tous moyens (témoignages, attestations, photographies). Des actes matériels et sérieux de possession doivent être démontrés : à titre d'exemple, de simples travaux d'entretien ponctuels d'un terrain ne suffisent pas à établir le caractère continu de la possession (CA Amiens, 04 février 2021, n°18/03100). Il faut en effet s'attacher à démontrer la maîtrise matérielle de la chose et la volonté de posséder le bien en qualité de propriétaire.

    A l'inverse, pour contester la propriété acquise par cet effet, il faut rapporter la preuve que l'une de ces conditions n'est pas remplie.

    La preuve de la possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire est donc essentielle.

    Focus prescription acquisitive et usufruit

    Il faut bien distinguer : l'usufruitier d'un bien, détenteur précaire de la chose, ne peut pas acquérir la propriété du bien par l'effet de l'usucapion. En revanche, le droit réel que constitue l'usufruit peut être acquis par le jeu de la prescription acquisitive si celui qui tire profit de la jouissance de la chose se comporte comme le véritable usufruitier. Autrement dit, l'usufruitier de fait peut acquérir l'usufruit de la chose par usucapion, mais il ne peut pas acquérir la propriété de cette chose.

    2. La durée de la possession permettant d'acquérir un droit

    Le point de départ du délai de prescription requis est l'entrée en possession utile.

En matière immobilière

L'article 2272 du Code civil fixe deux délais pour devenir propriétaire d'un bien immobilier :

  • La prescription trentenaire, qui permet à celui qui possède un bien immobilier depuis plus de trente ans de réclamer la propriété du bien, sous réserve de remplir les critères de la possession utile ;

  • La prescription abrégée de dix ans, qui offre à l'acquéreur de bonne foi et par juste titre un moyen accéléré d'acquérir le bien.Deux conditions supplémentaires sont donc requises pour bénéficier du délai réduit : être de bonne foi, et disposer d'un "juste titre", c'est-à-dire avoir légitimement cru acquérir la propriété d'un bien du véritable propriétaire, qui s'est révélé ne pas l'être.A noter : la bonne foi n'est donc qu'une condition permettant de bénéficier du délai de prescription abrégé. La prescription trentenaire joue quant à elle sans qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.

Mécanisme de la jonction de possessions

Pour apprécier la durée de la possession effective, l'article 2265 du Code civil permet d'additionner les délais de possession du bien ou du droit en cas de possesseurs successifs, quel que soit le mode de transmission du bien ou du droit (à titre universel ou particulier, à titre lucratif ou onéreux).

La Cour de cassation a même considéré que l'acquéreur pouvait joindre à sa possession celle de son vendeur s'agissant d'un bien non inclus dans le titre de propriété, dès lors qu'il était dans l'intention des parties d'inclure ce bien dans la vente (Cour de cassation, 19 octobre 2022, n° 21-19.852).

En matière mobilière

La règle posée par l'article 2276 du Code civil - "En fait de meuble, la possession vaut titre" - confère un titre de propriété immédiat à celui qui possède un bien meuble de bonne foi. La bonne foi étant présumée, c'est à celui qui allègue la mauvaise foi du possesseur de la prouver.

Quels sont les effets de la prescription acquisitive ?

Le bénéfice de la prescription acquisitive n'est pas automatique. Si les conditions sont réunies, celui qui se prétend propriétaire doit introduire une action en revendication de la propriété du bien, dans le but d'être légitimement désigné comme propriétaire. Si le tribunal fait droit à sa demande, il est considéré comme ayant été propriétaire depuis l'entrée en possession utile. Si la demande n'aboutit pas, le possesseur doit restituer au propriétaire son bien ou au titulaire son droit.

Il est aussi possible d'opposer à une action en revendication une fin de non-recevoir tirée de la prescription acquisitive, dans le cas où le propriétaire originel fait valoir son droit de propriété.

Dans quelles situations peut-on invoquer la prescription acquisitive ?

L'intérêt de la prescription acquisitive est de faire constater l'acquisition d'un droit de propriété, utile dans un certain nombre de contentieux du droit de l'immobilier ou de droit des biens : en matière de bornage, d'empiètement, d'expulsion, de trouble du voisinage, et plus généralement lorsqu'est en jeu le droit de propriété. Vous retrouverez un grand nombre de décisions avec une analyse du contentieux et de la tendance jurisprudentielle de la Cour de cassation et des autres juridictions en la matière sur le site de Predictice.

Par exemple, dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 21 avril 2022, il a été jugé que l'acquisition d'une servitude de vue par prescription n'était pas mise en échec quand bien même le possesseur n'avait pas respecté les règles d'urbanisme ; il en a été de même pour acquérir la propriété immobilière d'un terrain malgré l'inobservation des règles relatives aux travaux de construction (Cass Civ 3e, 21 septembre 2022, n°21/17409). La possession n'a ainsi pas été jugée équivoque par le possesseur du terrain objet de la demande d'expulsion. Pour la Cour de cassation, le non-respect des règles d'urbanisme "ne fait pas obstacle, en l’absence d’actes de possession illicites pour être contraires à l'ordre public ou aux bonnes mœurs, à ce que le possesseur du terrain d’assiette en acquière la propriété par prescription".

Sans qu'il ne soit question de porter atteinte au droit de propriété, l'idée est au contraire de donner au possesseur ce droit et de sécuriser sa situation juridique qui correspond à la situation de fait qui s'est durablement installée (Cass Civ. 3e 12 octobre 2011, n° 11-40.055).

La Cour de cassation a eu l'occasion de le rappeler dans un récent arrêt du 4 janvier 2023 (CCass 4 janvier 2023, n° 21-18.993).

Données clés

Durée moyenne de la procédure

Entre la juridiction de première instance et la Cour d'appel, la durée moyenne est de 2 ans et 6 mois

Chefs de demande les plus couramment associés

Taux d'acceptation élevé
932 demandes acceptées sur 1 762

Durée moyenne de la procédure

La durée moyenne entre la juridiction de première instance et la Cour d'appel est de 2 ans et 6 mois.
La durée moyenne entre la Cour d'appel et la Cour de cassation est de 1 an et 7 mois.

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