Force majeure
Quelle est la définition de la force majeure ?
On parle de force majeure lorsqu'un événement imprévisible et irrésistible empêche l'exécution de son obligation par le débiteur ou contribue en tout ou partie à la réalisation d'un dommage. Concrètement, il s'agit d'une circonstance qui vient bouleverser une situation établie, et dont la survenance ne pouvait pas être anticipée. On pense souvent aux catastrophes climatiques ou aux événements politiques (guerres, etc.), mais la force majeure peut renvoyer à d'autres situations.
Depuis la réforme du droit des contrats issue de l'ordonnance du 10 février 2016, l'article 1218 du code civil donne une définition de la force majeure en matière contractuelle.
Il dispose en effet : "Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur".
Peut-il y avoir force majeure en matière délictuelle ?
Si la définition de la force majeure est donnée par référence à la matière contractuelle, il n'est pas exclu d'invoquer un cas de force majeure en matière délictuelle. Ainsi, les juges en ont fait une cause d'exonération totale ou partielle : la cause étrangère, le fait d'un tiers ou le fait de la victime qui présente les caractères de la force majeure permet à l'auteur du dommage d'échapper en tout ou partie à sa responsabilité.
Quels sont les caractères de la force majeure ?
Trois conditions cumulatives sont exigées pour caractériser un cas de force majeure.
(1) Un événement imprévisible
Pour reprendre la définition, l'imprévisibilité désigne le fait que l'événement "ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat".
Il s'agit donc d'une circonstance qui ne pouvait ni être prévue ni être anticipée, et qui s'apprécie en tenant compte des circonstances de temps et de lieu dans lesquelles elle survient, en se plaçant à la date du contrat.
(2) Un événement insurmontable ou irrésistible
Est irrésistible une cause "dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées".
Ainsi, aucune mesure ne peut être prise pour échapper aux conséquences de cet événement sur l'exécution du contrat : il n'est pas possible de résister à l'événement en question, qui est d'une intensité telle que ses conséquences sont inévitables, malgré les efforts du débiteur pour les éviter ou les éventuelles diligences mises en œuvre.
Par exemple, la Cour de cassation a confirmé la décision de la Cour d'appel ayant estimé que le fait du tiers, en l'espèce l'homicide volontaire commis par un usager schizophrène à l'encontre d'un autre, présentait pour le transporteur un caractère irrésistible et imprévisible et donc caractérisait un cas de force majeure, dès lors "qu'aucune mesure de surveillance ni aucune installation n'aurait permis de prévenir ou d'empêcher une telle agression, sauf à installer des façades de quai dans toutes les stations ce qui, compte tenu de l'ampleur des travaux et du fait que la SNCF n'était pas propriétaire des quais, ne pouvait être exigé de celle-ci à ce jour" (Cour de cassation, 2ème Chambre Civile, 8 février 2018, n° 17-10.516).
(3) Un événement extérieur
C'est l'"événement échappant au contrôle du débiteur" , qui survient de manière totalement indépendante à sa volonté.
Cette caractéristique distingue le cas de force majeure du cas fortuit qui n'est pas nécessairement extérieur à la personne du débiteur.
✏️ La Cour de cassation semble avoir assoupli et pour certains abandonné cette condition d'extériorité en jugeant que la maladie du débiteur, bien qu'intrinsèque à sa personne, pouvait être qualifiée de force majeure si elle était imprévisible et insurmontable : ainsi, l'Assemblée Plénière a énoncé "qu'il n'y a lieu à aucuns dommages-intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ; qu'il en est ainsi lorsque le débiteur a été empêché d'exécuter par la maladie, dès lors que cet événement, présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution, est constitutif d'un cas de force majeure" (Cour de cassation, Assemblée Plénière, 14 avril 2006, n° 02-11.168).
En réalité, ce critère d'extériorité subsiste si on l'entend comme l'événement qui ne peut être imputable à la personne ou à son comportement, et est totalement indépendant de sa volonté, ce qui est le cas d'une maladie grave.
Quelles sont les conséquences de la force majeure ?
L'événement de force majeure est invoqué dès lors qu'il empêche le débiteur d'exécuter son obligation, soit temporairement, soit de manière définitive.
Les conséquences prévues à l'alinéa 2 de l'article 1218 du code civil diffèrent selon la nature de l'empêchement:
Si l'empêchement est temporaire : l'exécution de l'obligation est suspendue, sauf si le retard justifie la résolution du contrat.
Ainsi, l'événement de force majeure autorise le débiteur à suspendre son obligation jusqu'à ce que la cause prenne fin. Néanmoins, même si l'empêchement n'est pas définitif, il est parfois plus adapté de mettre fin à la relation contractuelle (pour le cas d'un voyage organisé, dont le départ a été annulé en raison d'une tempête, Cour de cassation, 1ère Chambre Civile, 20 mars 2014, n° 12-26.518).
Si l'empêchement définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 du code civil.
Dans tous les cas, l'événement de force majeure, s'il est caractérisé, autorise le débiteur à ne pas s'exécuter, sans que cette inexécution puisse lui être reprochée. C'est l'effet exonératoire de l'événement de force majeure qui libère le débiteur empêché de son obligation.
✏️ La force majeure ne peut exonérer de sa responsabilité que le débiteur. La Cour de cassation a en effet rappelé que "le créancier qui n'a pu profiter de la prestation à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat en invoquant la force majeure" (Cour de cassation, 1ère Chambre Civile, 25 novembre 2020, n° 19-21.060 ;Cour de cassation, 3ème Chambre Civile, 30 juin 2022, n° 21-20.190).
Quel est l'état de la jurisprudence en matière de force majeure ?
La force majeure peut être invoquée dans des domaines très variés. La crise sanitaire du Covid 19 a par exemple alimenté une jurisprudence abondante en matière de force majeure. Les juges sont vigilants tant les enjeux en matière contractuelle sont importants.
Par exemple, un retard d'exécution ne peut être justifié par la survenance de la crise sanitaire, quand bien même elle est "susceptible de constituer sur l'année 2020 un cas de force majeure" dès lors que les difficultés d'exécution du contrat préexistaient à l'année 2020 (Cour d'appel de Douai, 2ème Chambre Section 1, 8 décembre 2022, n° 22/02632).
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