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Infection nosocomiale

Qu'est-ce qu'une infection nosocomiale?

Du point de vue médical

Une infection nosocomiale (ou infection associée aux soins) est une infection contractée lors d'un séjour dans un établissement de santé public ou privé ou un cabinet médical, qu'elle soit directement liée aux actes médicaux ou apparue du seul fait de la présence dans l'établissement. Concrètement, il s'agit de maladies développées après un passage en structure médicale, et qui n'existaient pas avant l'admission du patient dans l'établissement, transmises par des micro-organismes (bactéries) généralement en raison d'une défaillance en terme d'hygiène.

Les infections nosocomiales les plus répandues sont des infections du site opératoire, infections urinaires, infections des voies respiratoires.

✏️ En France, environ 5% des patients contractent une maladie nosocomiale suite à un passage en structure médicale. Vu le risque sanitaire mais aussi les conséquences en matière de responsabilité, chaque établissement dispose d'un comité de lutte contre les maladies nosocomiales.

Du point de vue juridique

L'infection nosocomiale est issue du domaine médical et n'a pas de définition juridique à proprement parler. Pour autant, elle a été appréhendée par les juridictions en raison du contentieux médical qu'elle suscite.

Ainsi, la Cour de cassation comme le Conseil d'état définissent l'infection à caractère nosocomial, comme "une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge" (Conseil d'État, Chambre, 23 mars 2018, n° 402237 ; Cour de cassation, 1ère Chambre Civile, 6 avril 2022, n° 20-18.513).

Quel régime de responsabilité en cas d'infections nosocomiales ?

Deux régimes de responsabilité

  • Responsabilité de plein droit pour une infection développée dans un établissement de santé public ou privé

Le régime de responsabilité des établissements, services et organismes dans lesquels ont été réalisés les actes médicaux pour les dommages causés par des infections nosocomiales a été inscrit par la loi du 4 mars 2002 aux articles L1142-1 alinéa 2 et L1142-1-1 du code de la santé publique. Par dérogation au régime de responsabilité pour faute des établissements, en raison des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins, visé à l'alinéa 1, une présomption de responsabilité est posée s'agissant des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf à rapporter la preuve d'une cause étrangère.

→ Ainsi, dès lors qu'est caractérisée une infection nosocomiale, l'établissement dans lequel elle a été contractée est responsable de plein droit, sans qu'il soit besoin pour le patient de rapporter l'existence d'une faute dans l'acte de prévention, de diagnostic ou de soins.

Seule la démonstration d'une cause étrangère permet à l'établissement de s'exonérer de sa responsabilité : faute de la victime, fait d'un tiers, événement de force majeure. Ainsi, l'établissement ne peut se prévaloir d'une absence de faute dans la survenance d'une infection nosocomiale pour s'exonérer.

  • Responsabilité pour faute pour un professionnel de santé exerçant en libéral : le principe reste le régime de responsabilité médical pour faute.

✏️ Le conseil constitutionnel a considéré que cette différence de traitement était justifiée vu la "prévalence des infections nosocomiales supérieure à celle constatée chez les professionnels de santé exerçant en ville, tant en raison des caractéristiques des patients accueillis et de la durée de leur séjour qu'en raison de la nature des actes pratiqués et de la spécificité des agents pathogènes de ces infections", "la spécificité des risques en milieu hospitalier" et leur obligation d'avoir une politique de lutte contre les infections nosocomiales et d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins (Conseil constitutionnel, QPC 1 avril 2016, n° 2016-531).

Preuve du caractère nosocomial de l'infection

Pour engager la responsabilité de l'établissement de santé, il faut d'abord prouver que l'infection a pour origine la prise en charge médicale, ou à l'inverse pour contester, l'établissement doit prouver que l'infection était antérieure ou qu'elle n'est pas liée à l’intervention. Ainsi :

  • Les symptômes de l'infection doivent survenir pendant ou à la suite de l'intervention médicale, généralement dans les 48 heures (sauf cas particuliers où le risque nosocomial peut perdurer au-delà, comme dans le cas d'une intervention chirurgicale - 30 jours - ou d'une pose d'implant ou de prothèse - 1 an)

  • L'infection doit être consécutive aux soins et ne pas résulter d'une circonstance extérieure à l'activité de l'établissement, ce même si elle est provoquée par la pathologie de la patiente (Cour de cassation, 1ère Chambre Civile, 14 avril 2016, n° 14-23.909)

  • Ni le caractère endogène de la bactérie (c'est-à-dire que le patient était lui-même porteur du germe), ni l'état antérieur du patient n'entrent en ligne de compte : a été cassé l'arrêt de la Cour d'appel qui avait écarté le caractère nosocomial de l'infection, alors que "l'existence de prédispositions pathologiques et du caractère endogène du germe à l'origine de l'infection ne permettent pas d'écarter tout lien entre l'intervention réalisée et la survenue de l'infection" (Cour de cassation, 1ère Chambre Civile, 6 avril 2022, n° 20-18.513). 

💡Il peut être utile de solliciter une expertise médicale pour établir ou non le caractère nosocomial d'une infection.

Preuve du lien de causalité entre le dommage et l'infection nosocomiale

Si la preuve de l’infection nosocomiale est établie, celui qui allègue le dommage doit ensuite démontrer que son préjudice est en lien direct avec l'infection nosocomiale, conformément aux règles classiques de responsabilité. A l'inverse, l'établissement peut s'exonérer en démontrant une cause étrangère, c'est-à-dire en apportant la preuve que le dommage n'est pas lié à l'infection.

✏️ Lorsque plusieurs établissements de santé sont intervenus successivement, ce n'est pas au demandeur de rapporter la preuve du lieu de contamination, mais "à chacun de ceux dont la responsabilité est recherchée d'établir qu'il n'est pas à l'origine de cette infection" (Cour de cassation, 1ère Chambre Civile, 17 juin 2010, n° 09-67.011). 

✏️ Pour démontrer la responsabilité d'un praticien libéral, il faut démontrer le lien de causalité entre sa faute et le dommage (voir Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10ème Chambre, 21 décembre 2017, n° 16/13156, confirmé par Cour de cassation, 1ère Chambre Civile, 13 mars 2019, n° 18-13.998). 

Comment est indemnisé le dommage résultant d'une infection nosocomiale ?

  • Si la responsabilité de l'établissement est engagée, et que le taux de déficit fonctionnel permanent (DFP) est inférieur à 25%, il est tenu de réparer l'ensemble des conséquences de l'infection (C.Cass, 1ère Chambre Civile, 6 juin 2018, n° 17-18.913)

  • Si la responsabilité de l'établissement est engagée, et que le taux de DFP est supérieur à 25% ou en cas de décès, l'indemnisation est assurée par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale (article L.1142-1-1 1° du code de la santé publique).

  • Si la responsabilité de l'établissement n'est pas engagée, l'indemnisation du dommage peut être assurée au patient victime par l'ONIAM à trois conditions cumulatives : (1) que les préjudices soient "directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins", (2) qu'ils présentent des "conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible", et (3) qu'ils "présentent un caractère de gravité".

→ Le caractère de gravité est reconnu si le taux de déficit fonctionnel permanent est supérieur à 24% ou le taux de déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à 50%, ou si la victime a été contrainte de cesser son activité professionnelle pendant au moins six mois consécutifs (ou six mois non consécutifs sur une période de douze mois), ou, à titre exceptionnel, si la victime est déclarée inapte dans l'exercice de son activité professionnelle ou que des troubles particulièrement graves dans ses conditions d'existence, y compris d'ordre économique, sont caractérisés (article D.1142-1 du code de la santé publique). 

✏️ Ces différents régimes de prise en charge doivent être bien distingués selon la situation de la victime (Cour de cassation, 1ère Chambre Civile, 8 février 2017, n° 15-19.716). 

Quel est l'état de la jurisprudence en matière d'infections nosocomiales ?

→ Si les infections nosocomiales font suite à des soins prodigués en structure publique, c'est le tribunal administratif qui est compétent. En revanche, si les infections ont été contractées dans des établissements privés et des cabinets des praticiens libéraux, c'est le tribunal judiciaire qu'il faut saisir. Il s'agit dans tous les cas du tribunal du lieu où la personne a été admise et où les soins ont été donnés, qui doit être saisi dans les 10 ans suivant la consolidation du dommage (art 1142-28 du code de la santé publique)

La complexité de la notion conduit les juridictions judiciaires et administratives à se prononcer régulièrement sur l'existence ou non d'une infection nosocomiale et les conséquences en matière de responsabilité médicale.

Cette dualité de régimes peut conduire à des situations où les responsabilités se superposent. Ainsi, dans le cas d'une infection nosocomiale survenue dans un établissement public hospitalier mais à la suite de l'intervention d'un praticien exerçant en libéral, les juges du fond considèrent que peu importe que les soins aient été dispensés par le médecin dans le cadre de son activité libérale, c'est la structure d'accueil qui engage de plein droit sa responsabilité (Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème Chambre, 31 mai 2022, n° 21BX03724).

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Données clés

Durée moyenne de la procédure

Entre la juridiction de première instance et la Cour d'appel, la durée moyenne est de 2 ans et 3 mois
Taux d'acceptation très élevé
Environ 3 700 demandes acceptées sur 4 100

Durée moyenne de la procédure

La durée moyenne entre la juridiction de première instance et la Cour d'appel est de 2 ans et 3 mois.
La durée moyenne entre la Cour d'appel et la Cour de cassation est de 1 an et 6 mois.

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