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Procédure abusive

Qu'est-ce qu'une procédure abusive?

Le droit d'agir en justice afin de faire valoir ses intérêts est fondamental, mais il trouve sa limite lorsque celui qui agit le fait de manière dilatoire ou abusive. Ainsi, constitue un abus de droit le fait d'engager une action en justice avec mauvaise foi, dans le seul but de nuire à l'autre partie ou de retarder l'issue d'un litige.

L'article 32-1 du code de procédure civile prévoit en effet que "celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés".

L'article 559 du code de procédure civile pour l'appel principal et l'article 628 pour le pourvoi en cassation fixent la même règle.

✏️ Un principe équivalent est prévu en matière administrative pour l'auteur d'une requête abusive (article R741-12 du code de la justice administrative), et en matière pénale pour la constitution de partie civile abusive ou dilatoire (art 177-2 du code de procédure pénale).

Procédure abusive et résistance abusive

La résistance abusive constitue le fait pour un débiteur de refuser avec persistance d'exécuter une obligation, ce qui permet au créancier de solliciter du juge de l'exécution des dommages et intérêts (article L121-3 du code des procédures civiles d'exécution).

Procédure abusive et résistance abusive peuvent fonder la même condamnation dès lors qu’"il s'agit de sanctionner le comportement d'un plaideur manifesté dans la procédure à l'occasion de laquelle l'abus de droit est constaté" (Cour d'appel de Versailles, 16ème Chambre, 14 octobre 2021, n° 21/01098).

Dans quels cas peut-on engager une action pour procédure abusive?

L'exercice du droit d'agir en justice dégénère en abus à condition de démontrer des circonstances particulières le rendant fautif. Construits par la Cour de cassation, les contours de l'abus ont évolué et demeurent fluctuants, et une exigence de motivation rigoureuse pèse sur le juge qui doit expliquer les raisons pour lesquelles telle situation constitue ou non une procédure abusive.

Abus de droit d'agir en justice non caractérisé

→ Ce n'est pas parce qu'une action est mal fondée qu'elle est abusive : ainsi, "l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par la juridiction" (Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 5ème Chambre, 7 novembre 2019, n° 18/27792) ;

→ De même, l'exercice d'un droit de recours n'est pas abusif en l'absence de faute dolosive caractérisée (Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère Chambre, 16 mars 2023, n° 22/00331), et même si la première juridiction a retenu le caractère infondé et abusif de la procédure en première instance (Cour de cassation, 1ère Chambre Civile, 16 novembre 2016, n° 15-24.248).

⛔ En tout état de cause, pas de procédure abusive contre celui qui a obtenu gain de cause, même partiellement.

Abus de droit d'agir en justice caractérisé

Il faut démontrer un comportement fautif, qu'il s'agisse d'un acte de mauvaise foi, de malveillance, une erreur grossière équipollente au dol, par l'usage de moyens fallacieux ou frauduleux, ce avec l'intention de nuire ou de porter atteinte aux intérêts de l'autre partie.

! La jurisprudence en la matière est à suivre régulièrement, car la Cour de cassation a pu considérer que la démonstration de l'intention de nuire n'était pas nécessairement exigée dès lors que "toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur" (Cour de cassation, 2ème Chambre Civile, 11 septembre 2008, n° 07-18.483).

→ Ainsi, est abusive l'action en paiement d'une créance de celui qui a cherché "à tirer profit d'un pseudo-gain qu'il savait n'être pas le sien" (en matière de loterie publicitaire, Cour de cassation, Chambre Mixte, 6 septembre 2002, n° 98-14.397).

→ Agir en justice de manière dilatoire, à savoir dans le but de retarder l'acquisition d'un droit, est un comportement fautif : a agi dans une intention dilatoire de même à caractériser le caractère manifestement abusif de l'exercice de l'action en justice celui qui a "délibérément contribué à retarder les opérations de liquidation du régime matrimonial" (Cour de cassation, 1ère Chambre Civile, 10 février 2021, n° 19-17.028).

→ La procédure abusive est également manifeste dans le cas où des manoeuvres dilatoires ont "paralysé l'exécution" d'un titre exécutoire et d'une saisie pendant plusieurs années : en l'espèce, l'absence de diligences entreprises pour faire aboutir la procédure, qui révélait une "absence d'intention de faire juger le fond de la constatation", et un détournement de la procédure d'aide juridictionnelle en "mettant à profit l'effet suspensif attaché au dépôt de la demande", tout en sachant qu'ils n'étaient pas éligibles vu leurs situations financières (Cour d'appel de Versailles, 16ème Chambre, 14 octobre 2021, n° 21/01098).

Quelles sont les sanctions en cas de procédure abusive?

L'abus du droit d'agir en justice est sanctionné par le paiement d'une amende civile ou par le versement de dommages et intérêts. Ces deux sanctions sont cumulatives, puisqu'une amende civile peut être prononcée "sans préjudice des dommages et intérêts" qui peuvent être demandés.

Amende civile

Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros : il s'agit d'une condamnation pécuniaire, dont le montant est fixé par le juge, qui n'est pas versée à l'autre partie mais au Trésor Public.

✏️ La condamnation à une amende civile n'est pas conditionnée par la démonstration d'un préjudice particulier, contrairement à la demande de dommages et intérêts.

Dommages et intérêts

L'abus du droit d'agir peut aussi conduire à une condamnation à des dommages et intérêts, à condition que celui qui s'estime lésé le sollicite : ainsi, ce sont les critères de l'article 1240 du code civil (faute, préjudice et lien de causalité) qu'il convient d'établir.

Le préjudice peut être moral ou financier. C'est le juge qui apprécie le montant en fonction du préjudice allégué et de la faute.

Quel est l'état de la jurisprudence en matière de procédure abusive?

L'analyse du contentieux proposé par Predictice permet de constater un faible taux d'acceptation par les juridictions : le principe reste la liberté d'agir, l'exception l'abus du droit d'agir. La lecture des décisions rendues par les juges du fond et la Cour de cassation permet de cerner les situations qui peuvent révéler un caractère abusif ou dilatoire dans le droit d'agir.

Retrouvez également sur Predictice une estimation des indemnités moyennes attribuées en fonction des juridictions.

Données clés

Durée moyenne de la procédure

Entre la juridiction de première instance et la Cour d'appel, la durée moyenne est de 2 ans et 1 mois

Chefs de demande les plus couramment associés

Taux d'acceptation très bas
Environ 8 300 demandes acceptées sur 59 000

Durée moyenne de la procédure

La durée moyenne entre la juridiction de première instance et la Cour d'appel est de 2 ans et 1 mois.
La durée moyenne entre la Cour d'appel et la Cour de cassation est de 1 an et 8 mois.

Décisions de référence

Acceptant le chef de demande
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